Bonjour Alexane. Tout d’abord, je te remercie d’avoir accepté de répondre à mes questions. Aujourd’hui, tu vas nous parler de ton métier et de sa pratique : l’ostéopathie.

Peux-tu te présenter aux lectrices et lecteurs ?
̶ Bonjour Béatrice, merci à toi pour cet échange qui me donne l’occasion de peut-être faire découvrir l’ostéopathie, et de répondre aux questions de certains de tes lecteurs sur le sujet. Je suis une ostéopathe de 28 ans, de retour au Sénégal après quelques années passées en France.
Tu es donc une enfant du pays ?
̶ Je suis franco-sénégalaise, d’origine saint-louisienne. J’ai grandi à Saint-Louis, berceau familial depuis plusieurs générations, et j’ai habité à Dakar pendant mes années lycée.
Ton retour au Sénégal est-il plutôt motivé par des raisons sentimentales ou des raisons professionnelles ? Ou les deux ?
̶ La raison première est le besoin d’un retour aux sources. Après neuf ans en France, j’ai vraiment eu envie de revenir sur la terre sénégalaise. Je ne cache pas que je suis heureuse de pouvoir de nouveau profiter de mes parents et de ma famille quand je le veux, le temps d’un week-end. Et, d’un point de vue professionnel c’était cohérent, car c’est une profession qui commence tout juste à se développer au Sénégal.
Maintenant, rentrons dans le vif du sujet : l’ostéopathie. Peux-tu nous expliquer en quoi consiste cette pratique ? Est-il question d’une pratique dite « médicale » ou « paramédicale » ?
̶ L'ostéopathie, fondée sur une connaissance approfondie du corps humain, est une thérapie exclusivement manuelle. Par une approche globale de l'être humain, l'ostéopathe s'emploie à rechercher la cause des symptômes du patient. Par la réalisation de mobilisations et de manipulations ostéopathiques sur des zones en restriction de mobilité, l'ostéopathe donne au corps humain l'impulsion pour s'autoéquilibrer.
Pour ta deuxième question, je vais me baser sur la réglementation française, car il n’y a pas encore de législation sur le sujet au Sénégal. En France, l’ostéopathie n’est pas une pratique médicale, mais paramédicale annexée au code de la santé au même titre que la profession de psychologue par exemple.
Qu’est-ce qui a motivé ton choix de carrière ?
̶ À la base, je me destinais à une carrière dans les métiers du Droit. Mais, lors de ma troisième année de licence de Droit à la Sorbonne, j’ai réalisé que je n’aimais plus ce que je faisais. Comme beaucoup de jeunes, je me sentais un peu perdue, car je ne savais pas quoi faire d’autre. Cette année de doutes suivie d’une année de réflexion en Australie et de trois rencontres décisives m’ont réorienté vers cette passion. J’ai toujours eu une certaine attirance pour l’ostéopathie et les métiers de soins, mais mon bac dans la filière économique et sociale m’avait poussé vers les sciences politiques et le droit. Au final, ces quatre années m’ont permis d’appréhender ma formation avec une ouverture d’esprit accrue, une conviction affirmée et une maturité certaine.
Quelles sont les études que tu as dû suivre pour pouvoir pratiquer l’ostéopathie ?
̶ J’ai fait cinq années d’études supérieures dans un établissement de formation privé, agréé par le Ministère de la Santé français. Ce sont des études prenantes, qui mêlent dès la première année la pratique ostéopathique, et théorie scientifique comme l’anatomie, la physiologie, la biomécanique et la pathologie.
Tu as fait (ou tu fais encore) partie d’une association qui s’appelle Ostéopathes solidaires Développement (OSD). Peux-tu nous en dire plus au sujet de cette association et les raisons pour lesquelles tu les as rejoints ?
̶ Ostéopathie Solidarité Développement est la seule association étudiante d’ostéopathie solidaire au niveau national en France. Elle regroupe les étudiants qui souhaitent s’engager et prodiguer des soins aux personnes qui n’y ont pas accès.L’association a deux volets : un au niveau national dans des centres d’accueil et associations; par exemple, je suis intervenue dans une association pour prostituées et dans un centre de réinsertion sociale sur Lyon, encadrée par un ostéopathe bénévole. Un volet étranger, avec une action solidaire au Sénégal qui existe depuis l’origine de l’association en 1998. J’ai découvert l’association grâce au projet Sénégal. J’ai d’abord proposé mes services pour le projet de restructuration de l’action solidaire au Sénégal puis rapidement j’ai fait partie du bureau en occupant le poste de présidente et de vice-présidente. En plus des échanges très forts avec les patients et ostéopathes encadrants, OSD m’a ouvert les portes de la grande famille des ostéopathes solidaires et des associations d’ostéopathes, car elle est membre de la Fédération des ostéopathes solidaires (FedOsoli) et de la Fédération des étudiants en ostéopathie (FédEO).

Maintenant que tu es au Sénégal, pratiques-tu toujours l’ostéopathie solidaire ?
̶ Il est évident qu’après mes quatre années au cœur de l’associatif en ostéopathie solidaire, je ne peux pas m’arrêter là. Je suis rentrée l’an passé, donc pour le moment je me consacre à mon installation professionnelle et personnelle, mais j’ai déjà des projets en tête pour le Sénégal. Je n’envisage pas mon métier sans une part de bénévolat, je pense que l’accès au soin et à l’ostéopathie devraient être possible pour tous, quel que soit le niveau social.
Il y a quelques temps, j’ai interviewé Quentin Gélinet, étiopathe à Dakar. Ses techniques et les tiennes sont-elles similaires ? Complémentaires ? En quoi diffèrent-elles ?
̶ Quentin Gélinet est un ami d’enfance, nous discutons souvent ostéopathie et étiopathie. Je dirais que l’origine de nos professions est commune, mais que les visions sont divergentes. L’ostéopathie a une vision holistique du corps alors que l’étiopathie repose sur un concept mécaniste. Au niveau des techniques, ostéopathe et étiopathe utilisent tous deux des techniques structurelles (celles avec un craquement) aux mises en place plus ou moins similaires. Par contre, l’ostéopathe, lui utilise également des techniques tissulaires, myo-tensives et crâniennes. La philosophie et les principes des deux professions font que l’axe de traitement ne sera pas pris sous le même angle, deux chemins différents, mais un même but : la prise en charge du motif de consultation du patient. Complémentaire, non. Dans le sens, ou le patient viendra chez l’ostéopathe ou l’étiopathe pour le même motif, contrairement à la kinésithérapie qui elle est complémentaire.
Comment se déroule une séance d’ostéopathie ? Combien de temps dure-t-elle en moyenne ?
̶ La consultation commence par une discussion avec le patient afin d’analyser de manière détaillée quels sont les motifs de consultation, ses antécédents, et quel est l'état des lieux global du corps. Cette étape est importante, car elle permet d’affiner les étapes suivantes. Il peut arriver que l’ostéopathe réalise un examen clinique afin de s’assurer que la prise en charge n’est pas contre-indiquée ou ne nécessite pas un avis médical. Puis, il réalise des tests ostéopathiques sur le corps ; on pourrait dire qu'il écoute le corps ; afin faire ressortir un schéma dysfonctionnel qui serait à l’origine de motif de consultation. Suite à ça, il passera au traitement à proprement parler. Pour ce faire il dispose de plusieurs techniques de manipulations et de mobilisations manuelles, et ce dans différents champs (viscéral, crânien, neruo-musculo-squelettique). Enfin, la consultation se termine par quelques conseils (alimentation, étirements, hygiène de vie…). La durée d’une consultation est en moyenne de 45 minutes.

Les manipulations en ostéopathie sont-elles douloureuses ?
̶ Les manipulations ne sont pas douloureuses, mais certaines peuvent surprendre. Par contre, il est évident qu’une personne qui vient en consultation avec une douleur aiguë, comme un lumbago, peut dans certains cas avoir des douleurs pendant la consultation, mais ce sont les siennes qui seront en réalité travaillées par les mobilisations pour le soulager.
Les soins que tu prodigues sont-ils adaptés également aux enfants en bas âge et aux femmes enceintes ?
̶ Oui bien sûr, car l’ostéopathe s’adapte toujours à son patient et au motif de consultation dans le choix de ses techniques qu’il met en place. Ainsi, il peut prendre en charge un nourrisson en utilisant des techniques très douces, ou une femme enceinte en adaptant ces dernières à la nouvelle morphologie de la patiente. Je veux rebondir sur cette question, en insistant sur l’intérêt d’un traitement ostéopathique pour le nourrisson, car la grossesse et l’accouchement peuvent engendrer des contraintes visibles ou invisibles et des restrictions de mobilité pouvant occasionner des troubles fonctionnels immédiats ou futurs !

Proposes-tu également un suivi pour les sportifs de haut niveau ?
̶ Pour le sportif de haut niveau, il est très intéressant de consulter régulièrement un ostéopathe, car les restrictions de mobilités, ressenties ou non par le sportif, peuvent entraîner une baisse des performances. Un suivi ostéopathique permet ainsi : une meilleure récupération après une compétition, d'augmenter les performances, de prévenir des blessures et le cas échéant de favoriser le rétablissement de l'athlète. En cas de blessure particulièrement, le suivi ostéopathique ne saurait suffire seul, il doit être compris dans le cadre d’une prise en charge pluridisciplinaire.
Il semblerait que d’un ostéopathe à l’autre l’approche soit souvent différente. Du coup, quelle est ta pratique ?
̶ Effectivement, les patients sont souvent perdus, car d’un ostéopathe à l’autre l’approche peut être très différente et les techniques plus ou moins douces. Personnellement, je m’adapte toujours au patient, à son motif de consultation et à son corps. Sur certaines consultations, il m’arrive de faire presque exclusivement des techniques très douces et plutôt tissulaires.Et sur d’autres des techniques plus structurelles. Je dispose d’un large panel de techniques donc en fonction de mon ressenti, j’utilise ce qui me semble le plus adapté. Je suis très attachée à la philosophie de l’ostéopathie et ses grands principes, c’est une dimension que je garde en tête dans chaque consultation.

Y a-t-il des personnes pour qui l’ostéopathie est contre-indiquée ?
̶ Mis à part les atteintes de structures et certaines pathologies, l'ostéopathie n'est jamais contre-indiquée dans l'absolu. Par contre, certaines techniques peuvent être contre-indiquées, l'ostéopathe saura s’adapter en fonction des maux des patients et de leur vécu.
J’ai remarqué qu’en plus de ton cabinet, basé dans le quartier des Mamelles, tu proposais également des séances sur le Plateau, sur la Petite Côte et sur Saint-Louis. Comment arrives-tu à t’organiser lorsque tu te déplaces ? Tu dois avoir du matériel à transporter avec toi ?
̶ Depuis mon installation au Sénégal, il y a un an, pas mal de choses ont changé !
Je ne suis plus basée aux Mamelles et je viens de rejoindre l’équipe du Dr Corinne Tchania et Zineb Laklalech au Cabinet médical Sotéria, situé à Ngor-Almadies. Au Plateau, je consulte toujours au cabinet médical et paramédical AYOUB, deux fois par semaine.
Je me déplace naturellement toujours à Saint-Louis, une fois par mois, ce qui me permet d’allier rendez-vous professionnels, famille et de me ressourcer en pleine nature !
Par contre, j’ai décidé de suspendre mes consultations sur la Petite Côte. Je préfère recentrer mon activité sur mes cabinets dakarois. Et puis… se déplacer sur Dakar depuis la Petite Côte est devenu tellement facile avec l’autoroute.

Penses-tu qu’aujourd’hui ta profession soit assez connue du grand public ? Pourquoi, à ton avis ? Que reste-t-il encore à faire ?
̶ Au Sénégal clairement non. L’ostéopathie est une jeune profession, mais plus encore au Sénégal. Il serait peut-être intéressant d’accroitre la communication avec les différents corps de métiers du domaine médical et paramédical afin de continuer de présenter la profession, développer la communication sur les réseaux sociaux... Il serait certainement intéressant d’envisager des rencontres entre ostéopathes pour en discuter.
Les soins en ostéopathie sont-ils dorénavant remboursés pour les Ministères de Santé et les mutuelles ?
̶ En France, les soins sont remboursés par certaines mutuelles, mais pas par la Sécurité Sociale.
Sur quelle citation souhaites-tu laisser les lectrices et les lecteurs ?
̶ Celle que je m’efforce d’appliquer quotidiennement :
"Soyez le changement que vous voulez voir dans le monde." Gandhi.

Alexane, je te remercie grandement d’avoir pris le temps de répondre à mes questions. Je te souhaite beaucoup d’épanouissement dans ta voie professionnelle.
Pour contacter Alexane Bancal :
Tél : +221 77 620 74 11
Cabinet médical Sotéria, Route du village de Ngor, Ngor-Almadies
Horaires : Lundi, Mercredi, Jeudi 8H-20H / Vendredi 15H-20H / Samedi de 8H30-13H30
Cabinet médical et paramédical AYOUB, 17 Av. Carde, Plateau.
Horaires : Mardi 8H-20H / Vendredi de 8H à 14H
Email : abancal.osteopathe@gmail.com
Crédit photo: Alexane Bancal

#AlexaneBancal #Ostéopathe #Sénégal #Dakar #SaintLouis #OstéopathieSolidaritéDéveloppement #interview #praticienne #consultation #Sénégal
Comments