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Interview Henri LANGUINA: entraîneur de tennis au Sénégal

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022

Bonjour Henri. Tout d’abord, je te remercie d’avoir accepté cette interview. Aujourd’hui, tu vas nous parler de ton métier qui est également ta passion : le tennis. C’est parti !


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Henri Languina, coach professionnel de tennis à Dakar

Pour accéder à l’interview en vidéo


Henri, je t’invite à te présenter aux lectrices et aux lecteurs.


̶ Bonjour. Je me nomme Henri Languina. Je suis né à Dakar. J’ai 48 ans. Je suis Sénégalais. Père et mère Sénégalais.


Comment la passion pour le tennis est-elle née chez toi ?


̶ Je peux dire que ma passion pour le tennis est née comme par hasard. Comme ça, on était jeunes, on fréquentait un peu l’Université C.A DIOP car nous n’habitions pas très loin de là. Au départ, nous ne venions pas pour pratiquer le tennis, mais pour récupérer les balles qui sortaient du cours, les balles perdues, disons ! (Rires !) Chaque samedi, en descendant de l’école, on venait régulièrement. Et puis, petit à petit, on a commencé à s’intégrer. Et puis, on s’est mis dedans, et la passion avec, le plus naturellement possible, rien d’exceptionnel. On n’était pas venu pour faire du tennis, mais finalement, on fait du tennis !



Depuis quand joues-tu au tennis ?


̶ Je joue au tennis depuis une vingtaine d’années environ. Je ne peux pas te dire exactement depuis quelle date !


As-tu fait de la compétition ?


̶ Oui, avant je faisais des compétitions. J’ai compété jusqu’à un certain niveau, à peu près 1/15.


Pourquoi avoir arrêté ?


̶ J’ai arrêté parce que, en général, à Dakar, les compétitions et les matchs avaient lieu le soir, à partir de 18 h 00. Et avec le travail, je n’avais plus assez de temps libre pour pouvoir continuer.


Depuis combien d’années es-tu entraîneur de tennis ?


̶ Je suis entraîneur depuis une quinzaine d’années.


Dans combien de clubs as-tu entraîné des joueurs de tennis ?


̶ J’ai commencé à l’Université de Dakar, puis j’ai aussi entraîné des sportifs au Camp Claudel sur la Corniche. Et maintenant, depuis de nombreuses années maintenant, je suis basé au Clos Normand, à Dakar.


Qu’est-ce qui t’a attiré dans ce métier plutôt qu’un autre ?


̶ Franchement, je ne sais pas, moi ! Je l’ai fait comme ça ! Tu sais, au fur et à mesure, je suis rentré dedans, j’ai commencé à trouver un peu de réconfort, de la passion. Et puis, ça a fini par être naturel pour moi de pratiquer ce métier. Rien n’a été bousculé, tout est venu naturellement.


À ton avis, ta profession est-elle connue en Afrique ? A-t-elle la notoriété/ la reconnaissance qu’elle mérite ? Pourquoi ?


̶ Ce que je peux te dire, avec honnêteté, c’est que le tennis comme sport et le tennis comme métier en Afrique, c’est que dalle en termes de notoriété. Déjà, par rapport au tennis en Afrique, il faut voir les pays qui ont la philosophie de former de grands champions et d’organiser des compétitions internationales. Je dirai en Afrique : pas tellement.


Après, pour répondre à la question du pourquoi, c’est parce que, déjà, pour trouver un terrain de tennis, tu as du mal. En plus, il faut avoir les moyens de s’y intégrer. Donc, déjà, cela exclut 90% de la population, quoi ! Du coup, tu trouves peu de gens qui vont pouvoir pratiquer et s’intéresser au sport. En plus, le matériel est cher dans le tennis.


Quelles sont, selon toi, les qualités essentielles dont doit être pourvu un bon entraîneur sportif ? Pourquoi ?


̶ Selon moi, les qualités essentielles pour être un bon entraîneur de tennis c’est déjà de savoir faire aimer le sport à ton élève, c’est la première des choses. Et puis, de savoir le faire jouer, qu’il trouve du plaisir à pratiquer tout en s’amusant. Après, comme on dit, l’appétit vient en mangeant, et c’est ainsi que l’on progresse, en voulant gagner tout le monde !

De son côté, l’entraîneur doit avoir de la patience envers ses élèves parce que tu vas trouver des élèves qui vont être un peu tortueux et qui ne vont pas aller vite, et puis tu auras aussi d’autres élèves qui vont maîtriser certains mouvements très vite, et les perdre le lendemain. Et du coup, c’est un éternel recommencement. Et c’est cela le tennis. Chaque fois au tennis, on apprend. Donc, si l’entraîneur n’est pas patient, il ne pourra pas avancer avec ses élèves.

Avec autant d’années d’expérience, tu as dû avoir de nombreux jeunes à qui tu as appris le tennis. Quels sont ceux et celles qui t’ont le plus marqué ? Pourquoi ?


̶ J’ai eu beaucoup d’élèves, tellement que je ne peux pas te donner le nombre exact. Chaque année, ça tourne. Certains partent, d’autres arrivent. Après, pour répondre à ta question, il y a trois jeunes qui m’ont marqué. Il y a mon petit frère, Yannick Languina, aujourd’hui l’espoir du tennis sénégalais. Il y a cinq ans, il a remporté la médaille de bronze aux 11èmes Jeux Africains de Brazzaville.

Il y a Mylia Mpondo Akwa que j’ai entraîné pendant des années et qui maintenant fait ses études au Canada. En parallèle, elle donne aussi des cours de tennis à l’Université de Concordia.

Et enfin, il y a le jeune Lucas Barbé qui va sur ses dix ans et que j’entraîne depuis plus de trois ans. Eux, j’ai pu apprécier leurs progrès au fil des années et ils symbolisent ma fierté.


Quels sont les critères qui te permettent d’estimer qu’un de tes élèves a atteint un niveau professionnel ?


̶ Les critères qui me permettent de savoir qu’un élève a atteint un niveau élevé c’est par rapport à deux choses : il a la maîtrise de sa raquette et du terrain, il sait diminuer ou agrandir le terrain quand il le faut pour avoir le contrôle du jeu face à son adversaire. Il sait lire les balles. Au tennis, tu auras toutes sortes d’effets, toutes sortes de balles. Il faut savoir anticiper sur les balles et ça, c’est avoir une maturité que de savoir reconnaître toutes sortes de jeu qui se présente. Pour arriver à un niveau professionnel, il y a tout un phénomène derrière qui doit être maîtrisé. Et puis, dès que tu commences à battre ton professeur, tu commences à avoir des ailes, tu commences à te dire que maintenant il faut chercher ailleurs aussi. C’est comme cela ! Nous tous, c’est ce que nous souhaitons : être relayés plus tard par nos élèves. En tous les cas, moi, c’est mon cas. Je suis relayé par mon propre frère qui fait aujourd’hui partie des meilleurs joueurs Sénégalais.


Qu’est-ce que tu ressens dans ces moments-là ?


̶ De la fierté ! C’est comme un boulot bien accompli, quoi ! Tu es content de ce que tu as fait. Tu sais que tu as fait quelque chose dans ta vie.


Quelle est ta philosophie de vie en tant qu’entraîneur de tennis ?


̶ Ma philosophie de vie ? Ma passion pour le tennis et puis, après le tennis, il y a ma famille. Et puis de temps en temps prendre un verre avec des amis. Et pour les élèves que j’entraine, c’est de les voir progresser, aller de l’avant et s’amuser dans le jeu. C’est une philosophie de vie le tennis.


Qui sont, selon toi, les meilleur(e)s joueurs(euses) de tennis au monde ? Pourquoi ?


̶ Pour moi, les meilleur(e)s joueurs ou joueuses de tennis que je citerai sont Pete Sampras l’Américain et Roger Federer (le Suisse). Et puis chez les joueuses, il y a Steffi Graf (l’Allemande) aussi et puis pourquoi pas Serena Williams (l’Américaine). Pour moi, leur façon de jouer, si on prend par exemple Federer, ou Sampras, ce sont des gens qui sont complets partout. C’est rare de trouver leurs failles. Le gars, il est complet ! Tu ne peux pas critiquer son coup droit ou son revers. Les deux sont bons, ils sont complets. Comparé à Nadal, par exemple, qui est bon, mais c’est physiquement qu’il matraque ses adversaires. Quand tu vois Sampras ou Federer jouer, c’est la classe ! Le gars, il ne fait pas d’effort, il tape, le geste est vraiment huilé.


Lorsque l’on regarde l’histoire mondiale de tennis professionnel, on constate que les joueurs africains y sont très peu représentés, à part quelques pays comme l’Afrique du Sud et le Maroc. Et c’est vraiment dommage.

Pourquoi, à ton avis ?


̶ Pour moi, les joueurs africains, comme tu dis, ils sont peu représentés et il y a beaucoup de phénomènes qui interviennent. Déjà, il y a un problème de moyens financiers. Les structures, ce n’est pas ça. Acheter les raquettes de tennis, le matos, tout ça c’est cher. Donc, c’est un investissement. Et en Afrique, le tennis n’est pas médiatisé par rapport à un problème financier. Pourtant, on a de bons athlètes pour faire de bons tennismans ! Il y a aussi un manque d’investissement. Tout le monde n’a pas accès aux terrains de tennis. La cotisation, ce n’est pas donné. Du coup, tu ne peux pas avoir des gens qui s’y mettent facilement. Et du côté des Fédérations, moi, je ne connais pas s’il y a des fédérations. Je n’en parlerai pas.


Le Sénégalais Yahiya Doumbia est aujourd’hui considéré comme le meilleur joueur de tennis de l’histoire du pays. Il a participé à 26 rencontres de Coupe Davis avec l’équipe du Sénégal entre 1984 et 1999. Aujourd’hui, il a 57 ans et comme toi, il est entraineur à Mulhouse et il fait également office de capitaine de l’équipe féminine du TC Illberg qui évolue en division nationale.

Que penses-tu de son parcours professionnel ?


̶ Yahiya Doumbia, comme on dit, il reste le meilleur joueur Sénégalais de l’Histoire. Je pense qu’il a même été en finale du tournoi du Lyon. Donc, il y a un classement ATP. En plus, moi je l’ai vu jouer ici, à Dakar, en Coupe Davis quand j’étais gamin, et il fait partie des joueurs qui m’ont un peu impressionné. Il fait partie de ceux qui m’ont poussé aussi à faire du tennis mon métier. Maintenant, ce que je pense c’est qu’un gars comme Yahiya Doumbia qui reste en France, c’est de la perte. Pourquoi ne pas venir au Sénégal pour pousser les jeunes, créer une école de tennis, ou bien une association et aider les jeunes à faire du tennis. Moi je trouve que rester en France, c’est de la perte pour lui. Il y a tellement de pierre brute ici en Afrique, au Sénégal, à polir. Au lieu de rester en France. C’est mon idée.


Henri et Emmanuel au Clos Normand Dakar


Droitier ou gaucher : le grand écart au tennis ! Les joueurs de tennis gauchers, comme Rafael Nadal (numéro 2 mondial), auraient plus d’aptitude à pratiquer ce sport. Idem en escrime. Pourtant, ils ne représentent que 15% des joueurs de tennis professionnel.

Qu’est-ce qui, selon toi, les prédisposerait à être meilleurs que les joueurs droitiers ? L’effet de surprise ? Une réflexion neuronale plus rapide et du coup plus de vitesse qui ferait la différence entre deux adversaires de force à peu près égaux ?


̶ Oui, mais dans l’ensemble, tu vois, les joueurs de tennis, avec un gaucher qui est bon, ils ont du mal à anticiper les coups. Le geste du gaucher va être naturel, sans forcer, toujours sur le revers du droitier. En général, nous les droitiers, on a du mal à avoir un bon revers. Du coup, on va souffrir avec un gaucher qui est peut-être même moins bon. Et puis, il y a l’effet de surprise. Quand un gaucher est bon, en fait, il est super bon !


André Agassi a déclaré, il y a quelques années : « Le tennis était toujours une sorte d’apprentissage. C’était un moyen pour moi de découvrir beaucoup sur moi-même. »

Qu’en penses-tu ?


̶ Pour moi, le tennis c’est un éternel apprentissage de la vie. Et même de ma vie quotidienne, quoi. Le tennis, tu apprends au jour le jour et tous les jours. Tu ne peux pas dire, là, maintenant, j’ai tout maîtrisé. Je ne vais plus apprendre. Non ! Chaque lendemain, tu apprends quelque chose que tu ne pouvais pas faire la veille. Moi, je te dis : il n’y a rien de plus complet que le tennis !


Henri, je te remercie d’avoir accepté de répondre à mes questions. Je te souhaite le meilleur dans la suite de tes projets professionnels et personnels.


̶ Merci à vous deux de m’avoir invité sur ce plateau du Clos Normand (rires !).


Pour contacter Henri LANGUINA, entraîneur de tennis au Clos Normand de Dakar:


Tel : +221 33 825 91 03 / +221 70 847 13 40

Adresse : Avenue Cheikh Anta Diop x Canal 4 – Dakar – Sénégal

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Crédit photo et interview vidéo : Cédric Barbé

Montage Vidéo : Cédric Barbé



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