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L’interview d’Ibrahima CISSÉ, auteur sénégalais expatrié au Chili

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022


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Ibrahima Cissé depuis le Chili

Bonjour Ibrahima. Tout d’abord, je te remercie d’avoir accepté cette interview.

Aujourd’hui, tu vas nous parler de ta passion, l’écriture, mais aussi de ta profession dans l’humanitaire. Et aborder ces deux aspects de ta vie nous permettra de nous intéresser à la grande thématique de ce dossier spécial sur la Journée Internationale des droits des Femmes qui sera célébrée demain. C’est parti !


Tout d’abord, je te propose de te présenter aux lectrices et aux lecteurs du site.


̶ Né en Casamance, au sud du Sénégal, je m’appelle Ibrahima Cissé et je réside à Valparaiso au Chili, sur les côtes du Pacifique. Ancien professionnel de l’action humanitaire, je suis devenu, à quarante-trois ans, un écrivain - père au foyer, partageant ma vie avec mon fils, ma compagne et mes romans.


Quels sont les pays dans lesquels tu as vécu au cours de tes missions professionnelles ?


̶ Avec la plus grande fortune du monde, le destin m’a amené à découvrir le monde à travers mon métier d’humanitaire, ainsi j’ai vécu au Mali, en Guyane, en France métropolitaine ou encore dans la grande République Démocratique du Congo.


Cette expérience de vie t’a-t-elle permis d’ouvrir les yeux sur certaines choses ? Si oui, lesquelles sont pour toi les plus marquantes ?


̶ Lorsque mon aventure d’apprenti auteur ou conteur littéraire a débuté, c’est autour d’une question récurrente : le bilan post quarantaine. Un retour sur chaque voyage effectué ou chaque mission à but humanitaire a été nécessaire pour en tirer cette conclusion : chacune des expériences vécues dans un nouveau pays fut pour moi comme un cursus universitaire, mais populaire. D’ailleurs, c’est en amassant ces pratiques positives ou négatives que je suis devenu auteur. Et si je dois vous résumer mes apprentissages, alors je vous parlerais de Relativisme, de Mesure et de Sobriété. Les gens pensent souvent qu’ailleurs, ça marche mieux. Ce n’est pas toujours faux. Mais il ne faut pas oublier non plus que, malheureusement, le pire est aussi ailleurs.


Depuis quand écris-tu ?


̶ Ce qui est drôle, c’est que je n’ai pas rêvé suivre le chemin de l’écriture. Et, sans vraiment savoir comment, j’écris sans arrêt depuis 2015.


Pourquoi écris-tu ? Qu’est-ce qui motive ta plume ?


̶ Je répondrais qu’en plus du bien-être que me procure le fait d’écrire, et le bonheur de le partager, j’écris pour donner sens à ma vie en créant des histoires dans le meilleur et dans le pire. J’ajouterais que j’écris pour ne pas donner mon avis à tout va sur les réseaux sociaux. Grosso modo, j’écris pour mieux vivre tout simplement.


Tu as publié combien de romans depuis que tu écris ?


̶ J’en ai déjà publié trois. Mon tout premier c'est « Djata », une aventure de vie entre Afrique et Occident : un voyage à la découverte des traditions sénégalaises en particulier, et africaines en général. Ensuite, j’ai écrit « Du Rêve au Destin », mettant en scène un procès satirique de l’immigration d’un jeune pygmée congolais à Paris. Enfin, le dernier paru est « Les carillons du narcosistan ».


Pourquoi avoir choisi d’intituler ton dernier roman ainsi ?


̶ Commençons par le mot « carillons », un son de tocsin que je traîne depuis bien longtemps, des cloches sur différents tons qui raisonnaient dans mon cerveau. Le but principal de l’écriture étant le partage, par le biais des Carillons, j’entends forcément donner l'alarme, alerter mes lecteurs sur les catastrophes non naturelles qui brûlent certaines régions du monde en général et l’Afghanistan en particulier. Dans ce pays, des étrangers se sont mobilisés pour venir y défendre une cause et l’opinion générale ne constate que des guerres qui s’éternisent dans ces montagnes à la fois maudites et paradisiaques. Quant au mot « narcosistan », c’est un mot valise alliant « narco » et « sistan », pour exprimer le dégoût que je porte à l’encontre des réseaux mafieux qui christifient un pays déjà à caractère christique.


Dans cet ouvrage, ton personnage principal, Simon, travaille dans l’humanitaire, en tant que médecin. Le milieu de l’humanitaire est un champ assez vaste. Pourquoi avoir fait le choix de l’allier au monde des trafiquants de drogue aux confins de l’Afghanistan ?


̶ Peut-être bien parce que ça n’a jamais été fait avant, c’est une façon de montrer l’aidant sous une autre facette... Dans tous les cas, je considère le pavot comme une arme de guerre, un motif d’engagement pour les humanitaires.


Alors, nous avons parlé de Simon, mais, pour moi, qui aie lu et chroniqué ton roman, il y a dans cet ouvrage un autre personnage capital et moteur qui est celui de Julieta (et dont il faut prononcer le prénom à l’espagnol, en roulant le J en R, tu y tiens !). Et là où Simon doute, hésite et trébuche, Julieta fonce tête baissée pour découvrir la vérité et faire répondre de leurs crimes les fautifs. Cette femme nous donne le sentiment d’être bien plus forte que le personnage principal. Ou je me trompe ?


̶ Julieta, avec sa « Jota » espagnole, sans être platonienne, est finalement proche de la philosophie de Platon. Même si Simon en est le narrateur, l’histoire est de son point de vue et, oui, son rôle n’est pas capital, il est indispensable. Julieta est un mélange de plusieurs personnalités sud-américaines de son âge. Les vieilles dictatures en ont fait des personnes encore plus politisées qu’elles-mêmes. C’est malheureux, mais, dans ce cas, quand il n’y a plus de conflits à combattre, d’autres en fabriquent. Je ne sais pas si Julieta aurait eu ce caractère si je n’avais pas connu le Chili ou l’Argentine. Je parle assez mal l’español, mais l’expérience d’apprendre une nouvelle langue est une chose extraordinaire. C’est pour cela que je tiens à la « jota », pour montrer l’amour que je voue à la langue du vieux Miguel de Cervantès.


Pourrait-on dire de toi que tu es un auteur engagé dans la mise en valeur et l’émancipation des femmes ?


̶ Complètement ! Je ne sais pas qui, de la femme ou de l’homme, est arrivé au commencement, mais je crois que l’avenir sera au féminin. J’adore l’histoire, mais, aussi loin puisse-t-elle remonter, ce ne sont que des hommes que je croise, comme s’il n’y avait pas eu de femmes dans le passé. Ce que j’en ai conclu en tout cas, c’est que cette planète irait mieux si les hommes avaient fait leurs preuves J. Et en tant que personne comme en tant qu’auteur, pour défendre une cause qui me semble juste, je suis toujours prêt à m’engager.


Travailles-tu actuellement sur un futur manuscrit ? Veux-tu nous faire quelques confidences sur le sujet ?


̶ Tout tourne autour d’une histoire de meurtre à Bali. Laksmi, la jeune cheffe de la cellule criminelle, va devoir mettre en œuvre son savoir-faire pour trouver le chef d’orchestre de cette macabre histoire. Mais, dans le contexte de l’Indonésie actuelle, la modernité n’a pas prévu des femmes commissaires de police, alors Laksmi n’a pas que la résolution des crimes à gérer. Pour les autorités qui ont à faire à elle, cette commissaire n’est pas indonésienne de sang pur, ce qui est vrai, car sa mère est une métisse flamande néerlandaise au lignage Huguenot, protestant calviniste de Rotterdam. L’ambiance n’est pas toujours des meilleures, mais les criminels n’ont que faire des guerres de genre au sein de la justice. Autour de Laksmi, les collègues vont finir par accrocher ou décrocher et les choses vont tourner en fonction des exigences du temps.


Le 08 mars est la Journée Internationale des Droits des Femmes. Cette année, pour 2021, la thématique est la suivante : « Le leadership féminin : pour un futur égalitaire dans le monde de la Covid-19 ». Qu’en penses-tu ?


̶ L’égalité est une nécessité pour tous, car plus un monde traîne des inégalités, plus celui-ci sera malade.


Parle-nous des femmes de la Casamance, ta région natale. Comment pourrais-tu les décrire ? Leur rendre hommage aujourd’hui ?


̶ C’est marrant, car avec la question précédente, je pensais aux femmes de mon enfance casamançaise. Après avoir parcouru plusieurs pays, après avoir flirté avec la « démocratique » Grèce Antique et ses philosophes, finalement, je crois que c’est dans ce petit coin de la Casamance que j’ai trouvé un monde égalitaire et une communauté qui offre des places à tous sans tenir compte du sexe ou la position sociale. Ceci dit, l’expression récurrente : « c’est l’enfant de sa mère », lorsque les choses tournent mal, prouve encore une fois qu’il est difficile d’être une femme même chez moi. Mais cela prouve aussi que ce sont les femmes qui prennent les grandes décisions et qu’elles sont forcément consultées pour les petites. Les mamans de mon enfance sont des personnes formidables, elles ne connaissent pas le mot « sieste » et le bonheur de sa pratique, leur temps libre, elles l’utilisaient pour préparer au mieux leurs enfants. Bref, ce sont des mères qui n’avaient point le temps de nous dire « Je t’aime », car elles nous le montraient tout le temps.


Et les Chiliennes ?


̶ Le Chili et beaucoup d’autres pays sud-américains me rappellent l’Afrique et le train est en marche ici. Le Chili est un pays calqué sur le modèle occidental, il reste bouillonnant et la cause des femmes n’est pas un sujet sensible, pour preuve, c’est un pays qui sort de deux mandats d’une femme à la tête de l’État. Comme ailleurs dans le monde, les gens changent en bien ou en mal et le Chili n’est pas en reste.


Quelle citation ou pensée voudrais-tu adresser aux filles et aux jeunes-filles aujourd’hui qui sont les femmes de demain ?


̶ Je n’ai pas de citations qui me viennent, mais j’aimerais leur dire que mes modèles sont essentiellement composés de femmes. J’encouragerais les jeunes filles à vivre leur jeunesse comme une chance et considérer comme un honneur d’être nées femmes.


Ibrahima, je te remercie d’avoir accepté de répondre à mes questions. Je te souhaite beaucoup de succès pour ton prochain roman et une excellente future journée Internationale des Droits des Femmes.


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Crédit photo : Ibrahima Cissé.

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