Où allons-nous ? En France, dans la région bordelaise principalement, avec un petit saut en Italie.
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Élise, cinquante ans, divorcé et mère de deux grands enfants, doit dorénavant apprendre à vivre seule. Thomas, son fils, vient de s’installer à Paris pour les études. Charline, sa fille, vit et travaille à Londres. Seul Édouard, le chien de Thomas lui tient encore compagnie dans son appartement bien vide.
« Je me baisse et le gratifie d’une légère caresse sur sa tête. Il roule sur le dos et m’offre son ventre rose. Entre ses pattes, sa queue remue. Autour de moi, le vide de la chambre me rappelle la situation. Je me relève et quitte la pièce, laissant Édouard seul avec ses espoirs d’affection. » (P.19)
Lili a vingt-sept ans. Elle vient d’accoucher de son premier enfant, une petite fille arrivée trop tôt. Mariée à un homme qui l’aime sincèrement, mais qui a du mal à faire preuve de courage vis-à-vis de ses parents envahissants, elle tente de faire face à ses angoisses de nouvelle mère dans un service de néo natalité où elle entre-aperçoit le visage de son enfant à travers un masque respiratoire et un incubateur. Et lorsqu’elle rentre chez elle, elle doit affronter les commentaires acerbes de sa belle-famille intrusive.
« Tu es si petite, pourtant tu prends tellement de place. Quinze heures que je t’observe, dans ton incubateur, entourée de tuyaux et de fils. Je suis descendue à la minute où j’ai eu l’autorisation de me déplacer en fauteuil roulant. Ils disent que je devrais me reposer, mais j’y songerai plus tard, après, quand tes poumons, ton estomac, ton existence ne dépendront plus de machines. » (P.29)
À mon humble avis :
Et que ne durent que les moments doux est l’avant-dernier roman de Virginie Grimaldi, mais le premier que je lis de l’auteure. Et je n’ai pas été déçue, bien au contraire ! Son écriture est vive, saisissante, rebondissante, rafraichissante. J’ai englouti le roman en quelques heures.
Doucement, mais sûrement, elle sait embarquer son lectorat dans deux histoires de vie qui peuvent sembler banales de prime abord, mais qui, de par leur profonde humanité, ne pourraient nous laisser insensibles.
Ce qui fait la différence :
Incontestablement, c’est le choix des deux personnages principaux qui apporte toute son envergure au livre. Élise doit réapprendre à vivre seule et à accepter l’idée qu’elle n’est pas qu’une mère, mais aussi une femme qui a encore beaucoup de beaux moments à vivre et à partager.
« Je pleure le départ de Thomas, l’absence de Charline, les vieilles blessures, le temps qui s’enfuit, je pleure comme un bébé, comme si je n’allais jamais m’arrêter. » (P.148)
Lili doit affronter ses peurs et ses angoisses : sa fille prématurée est loin d’être sortie d’affaire dans son box de réanimation néonatale.
« C’est étrange tout de même. On n’est jamais aussi entouré que quand on vit une épreuve, pourtant on ne se sent jamais aussi seul. Je pensais à ça, l’autre nuit, dans le lit. Je dormais dans les bras de ton papa, chose qu’on ne faisait jamais avant, j’avais besoin d’espace, je ne dormais bien que tournée vers le vide, mais, depuis ton arrivée, un besoin de contact permanent s’est imposé. Le choc nous a soudés, littéralement. » (P. 149)
Et puis, il a l’entraide, la rencontre avec d’autres êtres dont on n’attend rien et qui apportent beaucoup, car ils comprennent et vivent la même chose que nous, au même moment. À l’hôpital, Lili va faire de merveilleuses rencontres aux côtés de parents qui partagent les mêmes souffrances et des angoisses jumelles.
Dans ce roman, il y a aussi un bel hommage rendu par l’auteure aux soignants, aux psychologues et aux accompagnants en milieu hospitalier, des personnes dévouées et sensibles qui luttent tous les jours pour sauver des vies, sans moyen humain et matériel suffisant !
« Je ne me sens pas moins seule dans la salle des familles. Pourtant, être avec des personnes qui vivent plus ou moins la même aventure, qui connaissent le long couloir, la vue grise, le tableau blanc, les bips des machines, qui côtoient Florence, Estelle, le docteur Bonvin, des personnes qui savent ce qu’est un scope, une sonde, un sat, qui se désinfectent les mains à longueur de journée, qui savent l’inconfort du fauteuil bleu, qui mangent souvent froid, qui dorment toujours mal, avec des personnes qui se sentent seules même entourées, ça me fait du bien. » (P.149-150)
Bravo à l’auteure et belle lecture à vous !
360 pages / Juin 2020 / Éditions Fayard
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