
Où allons-nous ? Principalement au Kenya et un peu en Italie
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Esméralda, que l’on surnomme Esmé, vient de perdre son idole de père, un célèbre poète italien qui les a élevés seul à la mort de leur mère, Esmé et son frère.
« Je viens du Vieux Monde. J’ai grandi à l’ombre des demeures familiales aux cloisons épaisses et aux façades délabrées, parmi de vieux meubles hérités de mes grands-parents. Pour aller à l’école, il me fallait emprunter des ruelles obscures bordées de bâtisses conçues par Michel-Ange. […] J’ai vécu toute ma vie dans un monde témoignant du talent extraordinaire de l’esprit humain. Je n’ai pas seulement grandi dans un univers civilisé, j’ai grandi entourée de beautés, si bien que pour moi celle-ci allait de soi. Mon destin a dû être, avant tout, géographique. » (P.25)
Sur un coup de tête et en plein marasme psychologique, elle embarque pour Nairobi avec un type qu’elle connait à peine, un golden-boy qui lui change un peu les idées. Mais au moment de reprendre l’avion pour Rome, elle annonce à son compagnon qu’elle ne repartira pas avec lui.
« Je m’explique les choses assez mal à présent, mais, sur le moment, alors que j’étais assise à cette table, tout me parut très clair en regardant ces hordes de touristes en Calvin Klein se servir d’énormes quantités de nourriture en guise de petit déjeuner, histoire d’amortir l’argent dépensé, et, le nez dans leur assiette, comparer le bacon local avec celui qu’ils mangent chez eux. Ils semblaient les mêmes qu’à leur arrivée. Tandis que moi, quatorze ou quinze heures hors de mon colis plombé m’avaient suffi pour être transportée. Il m’était désormais impossible de retourner dans ma boite en carton comme si de rien n’était. » (P.37)
Au gré de ses rencontres, de ses découvertes et de ses amours, Esméralda, l’Africaine Italienne, nous fait découvrir le milieu très fermé des expatriés européens au Kenya dans les années 90.
Francesca Marciano ouvre une boite de Pandore, celle d’une communauté blanche très fermée sur elle-même, où sexe, drogue, préjugés et racisme vont bon train. Mais comme son personnage sort toujours des sentiers battus, Esméralda rencontre l’amour, puis la passion. Elle vit aussi le deuil, encore, et la violence des hommes. Elle fréquente des journalistes anéantis psychologiquement qui assistent en direct la guerre civile qui se livre au Rwanda, à ce moment de l’Histoire. Elle découvre la vie sauvage, l’Afrique et ses espaces sans limites. Elle porte un regard critique et sévère sur celles et ceux qui deviennent, avec le temps, sa communauté. Mais surtout, grâce à l’Afrique et à son immensité, elle apprend peu à peu à savoir qui elle est.
En le jugeant trop rapidement, on pourrait prendre L’Africaine pour un roman à l’eau de rose, mais ce serait une totale erreur, car il n’en est rien ! Les histoires d’amour sont bien présentes, certes, mais il y a beaucoup plus dans ce livre, il y l’Amour avec un grand A. Et ce dont je me souviendrai certainement le plus, ce sont les scènes descriptives des paysages époustouflants et de la faune de l’Afrique de l’Est.
« Personne ne vient s’installer en Afrique pour une autre raison que celle-ci. Ce n’est pas nécessairement à cause d’un homme ou d’une femme. C’est à cause de l’amour tout court. Mais cela, je le sais depuis peu. Cette réponse est un don que je viens de recevoir. » (P. 283)
Bravo à l’auteure et belle lecture à vous !
292 pages / Avril 1999 / Aux Éditions Belfond
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