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ON LA TROUVAIT PLUTÔT JOLIE – Michel BUSSI – Roman

Dernière mise à jour : 21 févr. 2022


on la trouvait plutot jolie michel bussi
On la trouvait plutôt jolie

Où allons-nous ? Entre le sud de la France, l’Afrique du Nord et le Mali


À quelle époque ? Contemporaine avec des retours vingt ans dans le passé


Venez, je vous raconte de quoi il est question :


Leyli Maal, originaire du Mali, a immigré en France, du côté de Port-de-Bouc, il y a quelques années. Mère célibataire de trois enfants (Bamby, Alpha et Tidiane), elle travaille du matin au soir dans une structure hôtelière pour subvenir aux besoins de sa famille. La seule aide familiale dont elle bénéficie vient de ses parents qui s’occupent au quotidien du petit dernier, Tidiane, dix ans.


Petar Velika et son jeune adjoint, Julo Flores sont policiers. Ils enquêtent sur un meurtre qui vient d’être commis dans un hôtel qui accueille souvent les clients à l’heure.


« Le commandant Petar Velika observait chaque détail de la chambre Shéhérazade avec un mélange de consternation et de dégoût. L’homme nu allongé sur le lit, raide, froid, exsangue, semblait sculpté dans une pierre aussi blanche qu’étaient rouges les draps du lit, les tapis aux motifs persans, les tentures mordorées accrochées aux murs. Ses yeux s’attardèrent sur les bras menottés au montant du baldaquin. » P.35

Jourdain Blanc-Martin vit également du côté de Port-de-Bouc, mais dans les quartiers riches, à la différence de Leyli. Homme influent et connu dans la région, il est à la tête d’un petit empire du nom de Vogelzug, une entreprise humanitaire qui vient en aide aux migrants, principalement des Africains.


« Quelques centaines de mètres et pourtant deux mondes que tout opposait. Étanches. Il avait mis cinquante ans à passer de l’un à l’autre. C’était sa fierté absolue, avoir fait fortune à moins d’un kilomètre de l’immeuble où il était né, avoir gravi tous les échelons sans s’exiler, pouvoir regarder de haut ces immeubles dont l’ombre avait écrasé son enfance, comme un détenu qui achetait une maison à côté de la prison où il a été incarcéré pour mieux savourer sa liberté. » P.45

À mon humble avis :


Je suis passée plusieurs fois devant ce roman, en librairie. La chouette énigmatique sur la couverture de l’ouvrage a su attirer mon attention. Cependant, j’ai hésité à l’acheter, car j’ai trouvé que le résumé du livre ne donnait pas assez de détails sur l’intrigue.


« ̶ Qu’est-ce qui ne va pas, Leyli ? Vous êtes jolie. Vous avez trois jolis enfants. Bamby, Alpha, Tidiane. Vous vous en êtes sortie. ̶ Ce sont les apparences tout ça. Du vent. Il nous manque l’essentiel. Je suis une mauvaise mère. Mes trois enfants sont condamnés. Mon seul espoir est que l’un d’eux, l’un d’eux peut-être, échappe au sortilège. […] »

Finalement, c’est mon fils qui me l’a offert, de retour de la librairie. Et je ne regrette absolument pas son cadeau, bien au contraire.


Concernant la chouette, en couverture du livre, j’en ai déduit que l’auteur l’avait choisi comme symbole parce que le roman est divisé en sections qui se déroulent soit de jours, soit de nuits. La chouette est un animal nocturne qui vit dans l’ombre tout en étant à la fois la représentation de la sagesse et de la clairvoyance (symbole grec au côté de la déesse Athéna), mais c’est aussi l’animal qui accompagne parfois les sorcières et porterait malheur, selon certaines croyances. Bussi installe une ambivalence notable entre le tempérament de l’animal et son personnage principal, Leyli, qui porte toujours des lunettes de Soleil originales, dont une en forme de chouette.


« Par la baie vitrée, le Soleil avait brusquement enjambé la grande silhouette en tôle ondulée du multiplexe et inonda la pièce de ses rayons, telle une horloge solaire annonçant que les bureaux étaient ouverts. Leyli, presque par réflexe, tira de son sac des lunettes noires. Des lunettes en forme de chouette, deux verres tout ronds reliés par un bec orange et surmontés de deux petites oreilles roses pointues. »P.30

Ce qui fait la différence :


Michel Bussi nous entraîne dans une course policière de quatre jours et trois nuits, rythmée par des assassinats et un kidnapping. Mais des romans policiers, plus ou moins bons, nous en avons tous lu. Ce n’est donc pas cette partie de l’histoire qui fait la différence, selon moi. J’aurais même apprécié, par moment, que certains passages soient plus courts, je l’avoue.

Ce qui fait la différence, c’est incontestablement l’engagement de l’auteur et l’énergie littéraire qu’il met à dénoncer les profiteurs, tous bords confondus, de l’immigration africaine en France : de l’État qui maintient dans la précarité et la clandestinité les migrants, tout en les faisant cotiser et en leur demandant de payer des impôts, à ceux qui, sous couvert d’ONG, s’enrichissent à coup de milliers d’Euros. Ce portrait brossé avec excellence par Bussi a généré en moi beaucoup de ressentiments.


« ̶ Tu proposes quoi, alors ? Tu crois qu’une fois revenu sur les quais de Saïda, tu vas parvenir à faire redescendre les trente migrants low cost sans faire d’esclandre et réveiller la police marocaine ? Ce sera beaucoup plus discret au milieu de la Méditerranée. On a déjà fait ça mille fois. Le pilote trouve n’importe quelle excuse bidon, panne de moteur, patrouille de douaniers, risque de bagarre, et vous me libérez trente places. De toute façon, s’ils ne sont pas d’accord et que ça traîne trop, les bracelets bleus et rouges se chargeront eux-mêmes de les balancer par-dessus bord. » P.402

Enfin, je ne pourrais finir cette chronique sans vous parler encore un peu de Leyli Maal, l’héroïne de ce roman, et une vraie, une survivante, depuis toujours ! Au fil des pages, Leyli nous confie son histoire, depuis sa naissance à Ségou, une petite ville à deux cents kilomètres de Bamako jusqu’à son arrivée en France quelques années plus tôt. Trois enfants de trois pères différents, plusieurs tentatives échouées pour atteindre les côtes françaises avec des passeurs qui n’ont aucun scrupule, une vie de lutte perpétuelle. Une survie continuelle contre vent et marée !


« Mais comme la vie ne vous offre jamais rien sans vous demander de rembourser, comment aurais-je pu me douter que ces trois mois seraient aussi la cause de mon malheur, pour tout le reste de ma vie ? Ma malédiction d’avoir voulu approcher le bonheur. » P.61

Bravo à l’auteur et belle lecture à vous !


544 pages / Octobre 2018 / Édition Pocket


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