Où allons-nous? En Hollande, En Afrique du Sud et en Australie
À quelle époque ? Vers 1650 (XVIIème siècle)
Venez, je vous raconte de quoi il est question:
Abraham Gerritz est un matelot qui navigue depuis quelques années déjà pour le compte de la Compagnie hollandaise des Indes. Après sept années de voyage, « dont cinq à vadrouiller en mer de Chine », il est enfin de retour à Amsterdam et compte bien profiter des plaisirs de la terre ferme.
« Abraham Gerritz avait le charme exotique. Noir de poil, sombre de peau, il portait, coquette de marin, les cheveux longs et bouclés jusqu’au milieu du dos. Il n’avait pas encore trente ans, mais son visage mature témoignait d’une vie passée sur le pont des navires. » (P.21)
Rapidement, Gerritz dépense ses cinq années de solde, versée par la Compagnie lors de son retour. Il boit plus que de mesure, s’amourache d’une serveuse, cherche la bagarre dans les bars et finit par être emmené de force dans la riche demeure d’un homme âgé et influant, le seigneur Van Neck qui siège au conseil des dix-sept, « un état au sein des États généraux des Provinces-Unies ». Ce dernier lui propose un marché : retrouver et lui ramener son unique descendant, son petit-fils, disparu en mer depuis plus de quinze ans.
« Hélas, quatorze mois plus tard, ils avaient appris que le géant des mers, orgueil de la Voc, avait subi le pire des outrages : un naufrage, suivi d’un massacre parmi les plus sauvages qu’on puisse imaginer. Des personnes embarquées à Texel, seules soixante-huit devaient arriver à destination. Aucun des membres de la famille Vijbrandt n’était pas parmi eux. » (P. 45)
En contrepartie, le seigneur propose à Gerritz ceci : « si Gerritz parvenait à ramener le garçon à son grand-père, il toucherait une rente annuelle à vie de mille florins. Si le seigneur était décédé à leur retour, ce serait seulement cinq cents florins. S’il revenait sans aucune connaissance ni résultat, il n’aurait que ses yeux pour pleurer, mais il ne serait pas inquiété. » (P. 68 et P. 69). Le matelot embarque de nouveau, trois mois plus tard, mais sous couverture, en compagnie du valet le plus fidèle du seigneur, Jason Sombroek et d’un pasteur également sous couverture, Lommaerts. Le Tonijn prend alors la route, avec pour objectif final de rejoindre Batavia, tout en effectuant un crochet par la Grande Terre Australe.
À mon humble avis:
Ce roman historique se déroule en trois actes : les tomes 1 et 2 de Terra Australis et la suite de l’aventure avec Sur la route de Batavia (la capitale des Indes néerlandaises, l’actuelle ville de Jakarta, en Indonésie). Les deux premiers tomes (environ 300 pages chacun) nous embarquent dans un périple qui pourrait aisément être adapté sur grand écran. Je ne commenterai pas le dernier tome, car je ne l’ai pas encore parcouru.
J’ai déjà lu et chroniqué un roman de Jo Frehel, La femme de destin (sorti en octobre 2018), un formidable ouvrage qui se déroule entre la France et l’Afrique. Incontestablement, l’auteure sait embarquer son lectorat dans un univers où l’on n’a jamais le temps de reprendre son souffle. Les personnages sont travaillés avec beaucoup de savoir-faire, le fil conducteur n’est jamais perdu (malgré l’ampleur de l’aventure !), et ce voyage historique et épique nous plonge dans une atmosphère maritime et périlleuse du XVIIème siècle. Le pari est largement réussi !
Ce qui fait la différence:
Dans ce roman-fleuve, Jo Frehel nous embarque dans une épopée hollandaise, aux côtés d’hommes et femmes qui, guidés par la foi, la volonté, l’abnégation parfois et l’envie folle de changer leur destin, frôlent constamment la mort. Mais pas que !
Elle m’a aussi offert l’occasion de découvrir un univers que je ne connais que très peu : celui des aborigènes de Terra Australis (La Nouvelle-Hollande), un peuple riche de traditions ancestrales.
« Aussitôt arrivée, Nomi répandit quelques poignées de graines sur une large pierre plate et sortit la meule de sa cachette. C’était une jeune épousée et ses aînées la laissaient prendre sa place dans la tribu, effectuer cet acte ancestral, réservé aux femmes sages, les Kungkas, qui, depuis la nuit des temps, savaient transformer de simples graines en délicieuses galettes. » (P. 30)
Les romans de Jo Frehel contiennent une part de magie, quelque chose d’à la fois fascinant et déroutant qui vient ébranler nos convictions et secouer nos préjugés. Et j’aime cela !
Ce roman historique m’a aussi donné à réfléchir sur les grands massacres orchestrés par les Européens au nom de l’évangélisation et du credo : sortir les peuples dits « primitifs » de leur côté « sauvage » et les faire évoluer... Et bien entendu, en lisant ce roman, on découvre, une fois de plus, que « le sauvage » n’est pas celui que l’on croit ! L’auteure, de par sa connaissance sur ce peuple, se fait la porte-parole d’un peuple bafoué et massacré au nom d’un idéal inhumain et utopiste.
Bravo à l’auteure et belle future lecture à vous !
Terra Australis Livre 1 « Aborigènes, premières rencontres » : 290 pages, mars 2020, chez Iggybook
Terra Australis Livre 2 « En terre aborigène » : 298 pages, juillet 2020, Iggybook
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