Où allons-nous ? Au Sénégal, dans sa capitale que l’auteure a choisi d’appeler « Sunugal »
À quelle époque ? Contemporaine
Venez, je vous raconte de quoi il est question :
Faly, la trentaine, est une belle femme sénégalaise mariée depuis deux ans à Damel. Le jeune couple s’aime éperdument. Faly, passionnée de littérature, écrit même des poèmes à son cher et tendre. Aucune ombre ne semble assez puissante pour venir ombrager cette idylle.
Faly est « à la tête d’une association de défense des droits de l’Homme ». Son travail consiste à accompagner les personnes qui se sentent discriminées dans leur environnement professionnel. Elle participe également à des conférences et des débats en relation avec le droit des femmes. De son côté, Damel est « directeur de la Société Nationale des Eaux ».
Mais Faly a une santé fragile qui, au début de l’histoire, va la contraindre à rester trois semaines à l’hôpital pour se reposer et se soigner, loin du domicile conjugal…
« J’étais une hyperémotive. Je ressentais les émotions de façon aiguë. Avec ma maladie, je pouvais passer de l’euphorie à la mélancolie. J’avais découvert que j’en souffrais il n’y avait pas longtemps. Je savais que j’étais très sensible, mais pas plus. Il avait fallu que je fasse une première crise il y avait quatre ans pour que je découvre ma maladie. » P33-P.34
À mon humble avis :
Mame Famew Camara signe ici son cinquième roman avec « Une femme ROC », paru il y a quelques semaines. On retrouve aisément dans le texte de l’auteure sa formation journalistique. Elle prend le temps d’expliquer de nombreux détails de la vie quotidienne sénégalaise. Des traditions religieuses et ancestrales, en passant par l’art culinaire et esthétique, Mme Camara offre à ses lecteurs un large panel des us et coutumes d’Afrique.
Parlons maintenant du titre et de la couverture que Mame Famew Camara a choisis pour son roman. Sur la première de couverture, vous découvrez une femme au visage maquillé avec soin, parée d’une coiffe traditionnelle et d’un très joli collier ethnique. Elle nous ferait presque penser à un Top Model sorti d’un magazine de mode tendance. Pourtant, le titre nous parle d’ « Une femme ROC ». On se demande donc si l’auteure n’a pas voulu, dès le départ, jouer sur les clichés stéréotypés sociétaux qui contraignent de nombreuses femmes à devoir faire bonne figure quoi qu’il puisse advenir dans leurs vies. Apposer le masque des apparences et ne pas s’en défaire, sous peine d’être durement jugée par le regard de la société, faire bonne figure, même si l’on souffre éperdument à l’intérieur. C’est du moins dans ce sens que j’ai assimilé le choix du titre et de sa couverture par l’auteure.
« ̶ […] Je suis toujours sous pression. Le pire dans mon problème c’est que quand j’en ai parlé à mes proches, ils me disent que c’est cela, le mariage. Mais c’est l’enfer alors le mariage ! Je ne savais le sens de « mougnal », qui veut dire « endure » et que tout le monde m’assénait quand je devais rejoindre mon domicile conjugal. C’est comme si tout le monde savait que cela allait tourner au vinaigre. C’est comme c’était prévisible, en un mot. » P.65-P.66 (Myriam, l’amie de Faly)
Ce qui fait la différence :
Au-delà de la condition féminine dans la société actuelle africaine, l’auteure aborde de nombreux autres sujets comme le respect de la famille et de ses traditions. Le personnage de Faly est très proche de ses parents vieillissants qui lui ont tout donné afin qu’elle puisse voyager et effectuer des études supérieures de grande qualité en France. Elle a une sœur plus jeune, Astou, qui de son côté, n’est pas aussi respectueuse des traditions et des aînés.
« ̶ C’est dur, Maman, je fais tout mon possible pour vous tenir compagnie. Papa se plaint toujours et pourtant, à chaque fois que je viens discuter avec lui, il dort. […] (Astou)
̶ Tu n’es pas patiente, Astou, il faut de l’empathie avec les parents à cet âge. Il faut de la patience et le sens de l’écoute, répondis-je à cette dernière. (Faly) » P.97
Avec Mame Famew Camara, il sera également question d’aborder à plusieurs reprises le thème de la politique en Afrique. À travers le personnage de Damel, qui soutient mordicus que « son président » en pleine campagne électorale sera le prochain élu, et ses échanges avec son épouse, le roman aborde des sujets, qui, au sein des foyers, peuvent facilement en diviser les membres de par des points de vue diamétralement opposés.
« ̶ Lève-toi vite et regarde la foule que draine mon Président. (Damel)
̶ Oui, mais ça ne veut rien dire au Sénégal. C’est très facile de mobiliser les femmes et les hommes sénégalais. Ces gens ne sont pas des militants et encore moins des sympathisants. (Faly)
̶ Comment cela ? Je n’aime pas parler politique avec toi, laisse tomber. Tu penses que ces gens vont laisser toutes leurs activités et venir à un meeting sans pour autant qu’il y ait une conviction derrière ? (Damel)
̶ Justement, chéri, la logique expliquerait leur déplacement par foi en ce leader. Mais ce n’est guère le cas. Quand j’étais étudiante, j’ai eu à faire un sondage sur le militantisme au Sénégal. Je me suis rendue compte que les gens qui venaient au meeting le faisaient juste parce que c’était un événement. C’est une journée de fête pour eux. […] » (Faly) P.77-P78
Finalement, en quoi réside le tempérament d’ « une femme ROC » ? En sa capacité à affronter et à dépasser les obstacles conjugaux qui se dresseront devant elle ? À sa faculté à se résigner ? À sa force à aller de l’avant, le cœur en lambeau ? C’est ce que je vous invite à découvrir par vous-même au travers de la lecture de ce roman très contemporain.
Belle lecture et bravo à l’auteure.
202 pages / Octobre 2019 / Aux éditions de l’Harmattan Sénégal
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