Didier Van Cauwelaert est un écrivain français dont j’apprécie la plume depuis mon adolescence. Cela faisait bien longtemps que je n’avais pas pris le temps de le lire. Mais lorsqu’en milieu de semaine, je suis tombée sur l’une de ses publications sur les réseaux, annonçant la sortie de son dernier roman, je n’ai pas résisté à l’idée d’acheter. Et je l’ai lu dans la nuit !
Le livre débute sur les chapeaux de roues (comme c’est souvent le cas chez cet auteur) : le narrateur nous livre les détails ubuesques sur la mort accidentelle de sa mère :
« Ma mère, qui passait rarement inaperçue, est décédée d’un coup de bière aux obsèques de son cancérologue. Le porteur avant gauche avait marché sur son lacet, et le cercueil qui remontait l’allée de la cathédrale l’avait percuté de plein fouet. Avant de succomber à ses blessures, elle m’a demandé deux choses : garder son appartement en l’état et continuer de faire rouler sa voiture. » (P.7)
Le fils, Pierre Pijkswaert, continue de conduire la voiture de sa mère, lorsqu’il descend à Nice, chez sa mère défunte. Quelque peu tête à l’air, l’écrivain oublie de changer le nom sur la carte grise du véhicule et la laisse au nom de Simone Toumou, épouse Pijkswaert. Il prend des contraventions, chose qui n’est jamais arrivée du temps de sa maman, et perd onze points en trois mois. Puis, un jour, il reçoit un courrier du ministère de l’Intérieur, menaçant sa mère de perdre son permis de conduire si elle ne se présente pas à un stage de rattrapage la semaine suivante.
« On proposait à ma mère de s’inscrire à un stage de sensibilisation à la sécurité routière, d’une durée de deux jours et d’un coût de trois cent dix-neuf euros, qui lui permettrait de récupérer quatre points. » (P.15)
Au départ, il prend plutôt bien la nouvelle, se disant que sa femme s’en réjouira et qu’il ne lui restera plus qu’à vendre le véhicule. Mais, lorsqu’il rend visite à sa tante, placée dans une maison médicalisée non loin du domicile maternel, il fait la connaissance de Lucie Castagnol, une jeune sénior qui égaye de temps à autre la structure médicalisée en chantant et en dansant pour les pensionnaires du centre. Dans la foulée, elle lui propose de jouer le rôle de sa mère auprès de l’Administration et de récupérer les quatre points du permis de conduire.
« Sur le paillasson se tenait l’héroïne que j’étais en train de décrire. — Bonjour, mon lapin. Comment tu me trouves ? Abasourdi, je contemplais le fantôme de ma mère dans son tailleur préféré. En appui cambré sur la jambe droite, lunettes de soleil surmontant sa permanente blanc neige, sac à main façon Hermès pendu au pli du coude gauche et cigarette à la verticale du bout des doigts, en attente de cendrier, elle semblait tout droit sortie de la photo qui trônait dans la chambre de tante Josette. » (P.28)
Ce que j’aime particulièrement chez cet auteur, c’est sa capacité à sortir des sentiers battus de la littérature contemporaine française ! Sous les traits d’une plume drôle, parfois caustique, Didier Van Cauwelaert sait, avec une extrême dextérité, aborder des sujets sensibles et profondément humains.
Dans Une vraie mère… ou presque, son narrateur semble très proche de sa propre réalité : une relation complice avec un père adulé dans l’enfance, un romancier perdu dans les méandres de sa création littéraire (et que l’auteur ne manque pas d’asticoter !), l’idée folle de faire revivre sa mère à travers une comédienne pour rattraper le temps perdu et tenter de faire la paix avec elle, mais avant tout, avec soi-même.
« Jamais elle n’avait réussi à remplir dans mon cœur le vide laissé par mon père. Ça n’empêchait pas les sentiments. Je l’admirais autant qu’elle me crispait, elle était mon contraire absolu et l’amour que j’avais pour elle, en toute lucidité, tenait moins du devoir filial que de l’attachement obstiné d’un fan à l’égard d’une star insupportable. » (P.11)
Malgré une couverture de livre qui dénote totalement avec les tendances actuelles de la littérature française (mais cela aussi fait partie du charme de Van Cauwelaert), Une vraie mère… ou presque est un roman dans lequel il faut prendre le temps d’aller écailler le vernis niçois des faux-semblants pour plonger dans une relation intime entre une mère, sortie discrètement en coulisses et un fils, trop occupé à observer ses comédiens sur scène, et en oubliant longtemps qui, de tous, occupe le rôle principal.
Bravo à l’auteur et belle future lecture à vous.
185 pages / Sorti en avril 2022 aux Éditions Albin Michel
Retrouvez également la chronique de J'ai perdu Albert sur le site internet.
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